Agendas lunaires, livres, revues

une invitation à exprimer ta sensibilité, ta couleur, ton essence

La terre a été  pour moi une seconde mère, inconditionnelle, m’accueillant dans toutes mes facettes, dans tous mes états. A travers elle j’ai appris à me connaître, m’accepter, me réconcilier, me construire.

A 23 ans je choisis le métier de potière qui me fit quitter les Beaux-arts et l’esprit conceptuel qui y régnait. Je me sentais déjà très interpellée par la démarche pédagogique. Je garde de toute cette période l’enseignement précieux que je reçus  essentiellement de la qualité des être que j’eus la chance de rencontrer.

Pendant 8 ans je me donnais avec enthousiasme à  ma production de poterie. Puis vint la révolution intérieure de mes 30 ans, l’appel impétueux  d’autre chose, d’une autre vie. Je quittais tout, clientèle, maison, sécurité pour suivre cet appel. L’Ardèche donna le cadre idéal – retraite, nature, authenticité – pour m’abandonner au cœur du silence et de la solitude au mystère de la création.  L’esprit de ma recherche s’est imposé très vite : par exemple il n’était pas question au début et pendant longtemps de m’attacher à un résultat, mais de  laisser le processus de la création se dérouler à l’intérieur de moi jusqu’au bout. Période très riche de découverte et de compréhension. Je ne savais pas alors que ce que j’expérimentais sur moi me servirait comme outil de transformation et de guérison dans l’accompagnement d’autres personnes. Puis vinrent les expériences dans la nature, les retours de ballade où les mains dans la terre je laissais venir ce qui demandait  à s’incarner, en restant simplement reliée à l’intérieur. L’apprentissage de cette reliance, faisant de la place en moi, permettait le « ça agit à travers moi » .Je découvrais l’infinie richesse d’être enseignée par d’autres règnes, minéral, végétal, animal, dans une qualité d’abandon et de confiance ; savoir traverser ses peurs, abandonner les jugements, tout ce qui freine le mouvement de la vie. Se détendre, s’abandonner tout en étant complètement là  dans l’instant présent. Alors grandit peu à peu en soi une qualité de présence, à travers un regard ouvert, non pas le regard qui décide et qui prend. Dans cet état d’abandon et d’ouverture se révèle ce qui est à agir. J’appelle cela Voir.

C’est en accompagnant des groupes à l’atelier que j’ai senti la nécessité de mettre en volume  le corps humain. J’avais déjà une bonne pratique  du croquis, du fusain d’après modèle vivant. Mais le volume m’amena à aborder le corps d’une autre manière, non plus comme une étude à partir de l’extérieur mais à partir du ressenti et du vécu intérieur. C’est un chemin  qui touche à notre image corporelle, à notre histoire cellulaire. Nous vivons habituellement dans un corps sans vraiment le connaître ! Donner forme  au corps dans la terre nous permet de réunifier notre corporalité en intégrant notre corps émotionnel et énergétique. C’est tout un chemin de réconciliation, de réhabilitation, de réintégration.

Ce qui est étonnant dans cette démarche que j’appelle  l’Art du Senti c’est notre capacité à incarner le vivant, à recevoir et à se reconnecter aux lois naturelles. L’œuvre semble alors animée d’une vie propre, nous devenons canal. La terre nous met en lien avec la partie de nous archaïque, rendant possible l’expression de notre inconscient. Les personnes sont amenées à vivre des passages d’endroits insoupçonnés d’eux-mêmes Il est très fréquent qu’en travaillant une pièce les rêves de la nuit refont surface. C’est un état de conscience très particulier où quelque chose en nous est ouvert, un espace vaste beaucoup plus sensible. Moment d’ouverture où des prises de conscience peuvent se faire. Pour moi c’est le lieu de l’écoute sensible, de l’accueil de ce qui est et de ce qui advient. C’est ce que j’appelle « écouter la terre » et « laisser parler ses mains ». De l’ouverture du cœur et de la qualité d’écoute découlera l’alchimie de ce qui appelle à la transformation en nous.

Ces dernières années une évolution apparaît dans le travail  à l’atelier. De plus en plus de gens sont ouverts à cette conscience, et l’art réinvestir sa dimension sacrée.

Veronique Viala