Agendas lunaires, livres, revues

une invitation à exprimer ta sensibilité, ta couleur, ton essence

Si longtemps déjà que la femme et l’artiste fusionnent en moi… fil de trame, fil de chaîne, chacune nourrit l’autre et tisse  jour après jour, avec tant d’amour et de patience, le fil de ma vie.

Depuis ce jour de printemps, j’avais seize ans, et rendez-vous au Musée Rodin avec les sculptures de Camille Claudel.

Le choc fut immense : la richesse et la profondeur de son oeuvre m’ont bouleversée jusqu’à l’âme, elles ont éveillé en moi un écho que je ne soupçonnais pas : j’ai su à cet instant que j’étais sculpteur.

A partir de ce jour tout fut simple et évident, j’avais trouvé le sens, je savais enfin dans quelle direction se dirigeaient mes pas, pour quels gestes étaient faites mes mains… sculpter, sculpter… explorer passionnément mon essence féminine  soigneusement cachée au creux de mes profondeurs, puis l’incarner dans la matière, l’éterniser dans le bronze, le plus fidèlement possible, avec tendresse et respect, parfois de l’audace et même une certaine rage.

Psychanalyse permanente, chaque sculpture m’invite à explorer un peu plus profondément mes univers intérieurs, à mettre en lumière les multiples facettes du Féminin Sacré.

Ce que je découvre ne finit pas de m’étonner : j’ai en moi toutes les femmes : la mère, l’amante, la prêtresse, la Déesse, la servante, la reine, la sage ménagère, l’aventurière anti-conformiste, la scandaleuse… et toutes ces femmes que je rencontre chaque jour en moi cohabitent de plus en plus sereinement grâce au travail de la sculptrice; tour à tour j’aime basculer en chacune d’elles et ressentir l’écho qui monte en moi : je suis elles, elles sont moi, c’est si simple et si éblouissant, je vis dans ma chair l’unité avec toutes mes soeurs et je m’en régale !

La chair, ma chair… J’ai toujours aimé mon corps de femme, je l’ai toujours remercié de me donner tant de joies, il est mon lieu sacré, mon espace d’amour et de beauté…

Et au coeur de mes cellules vibre mon âme, sereine et pleine, elle est le lien entre tous mes atomes, elles est le sens, elle est mon axe, ma transcendance, je ressens intensément son intime fusion avec ma chair. Loin de toute dualité judéo-chrétienne, je sais profondément à quel point le divin est au coeur de la matière.

Après tant d’années à sculpter l’âme féminine, ma relation au divin est devenue très charnelle, c’est une sensation de puissante reliance avec tout ce qui est, une bascule de la conscience vers un état de présence intense du corps , et la joie, la joie immense d’être femme et de me sculpter !

J’ai senti au plus haut point cette union intime de l’esprit et de la matière lors de la naissance de mes enfants : j’étais toute terre, patiente et offerte à l’alchimie qui s’opérait en moi… lorsque l’enfant fut là, tremblant de vie, je suis entrée alors dans une stupeur hallucinée : cette sensation de miracle ne m’a pas quittée et je regarde encore aujourd’hui avec autant de fascination mes enfants explorer la condition humaine, exprimer leur vitalité, leur unicité, leur tendresse de petits d’hommes.

Depuis lors je voue une vénération totale à la matrice féminine : nous portons en nous un lieu de Haute Magie, une porte ouverte sur le grand mystère de la vie et de la mort…

Quel honneur et quel privilège d’être Femme !

Dieu que la vie est belle !

Isabelle Jeandot-Dollé