Agendas lunaires, livres, revues

une invitation à exprimer ta sensibilité, ta couleur, ton essence

Je suis une enfant de la ville.

Mes retrouvailles amoureuses avec la Terre se sont faites petit à petit, au rythme de mon développement personnel et de mon évolution.

Non pas que j’étais coupée de la nature et de sa beauté. J’y ai toujours été sensible, je l’ai toujours regardée, aimée, éprouvée dans des ressentis intenses. La beauté a guidé et guide en permanence mon regard, elle m’aimante et me fait aimante…

Mon histoire avec la photographie est récente. Je n’avais jamais investi cet outil. Il a fallu que je tombe malade il y a trois ans et que je sois réduite à l’impuissance, pour que les fleurs, d’abord celles de mon appartement ou de mon balcon, deviennent le fil rouge sur lequel j’enfilais mes jours.

Sous la peau, la chair et les os hurlaient en silence, mes mains étaient des brasiers consumant la joie, un incendie invisible me consumait… Agenouillée auprès des fleurs, photographier est devenu une prière. Le matin je me levais, avec ce désir tenace d’observer et de capter quelque chose de cette divine nature. J’étais invitée à une communion avec l’invisible, à un voyage vers le sensible…

Un voyage intérieur pour palper les contours de l’invisible, le non-dit, le non-su, donner à voir, donner à ressentir l’innommable que les jours censurent avec une tyrannie de boxeur. Coups de poing sur le visage des choses, frappes répétées sur le sensible, mise à terre du mystère. On compte jusqu’à dix. Rien ne se relève, tout reste englouti, perdu, séparé du visible. Et finalement, ni l’invisible, ni le visible ne sont vivants…

Alors vient cette nécessité de laisser parler autre chose, de déterrer ce qui reste enfoui, mis en terre par l’oubli, séquestré dans un lieu dont nous sommes les geôliers ne sachant plus ouvrir la porte pour libérer l’essentiel.

à chaque regard lancé, j’attrape dans le noeud coulissant du lasso la première étincelle qui brille, ouvre mon cœur et vient toucher l’invisible en moi. J’écume l’impalpable.

C’est un instantané qui demande à être révélé pour mettre à jour les profondeurs incertaines, les obscurs chatoyants, pour creuser la chair, la mienne, celle des fleurs, mais ma chair est celle de tout le monde. Je suis la matière, je suis l’endroit où tout sommeille, où tout se trouve, l’ombre et la lumière, le plein et le néant, la terre et le ciel.

Il me faut avancer, continuer à questionner le monde à travers moi et sentir. Sans agir, en voyageant de façon immobile, en visitant l’envers des choses, les fleurs m’invitent à gravir ma montagne, à approcher les cimes où mon regard ne pourra jamais aller, à méditer sur l’essence de la création et à entrer dans ma Pachamama, la terre de mon corps, mon Féminin sacré. Je ne peux savoir ce qui apparaît et sera transfiguré dans une photo, toute apparition m’échappe, est un don pour autrui, une bienveillance qui s’évade pour courir vers un ailleurs, donnant à voir au-delà d’elle-même.

Chaque fleur révèle un mystère qui s’épanche par la seule magie d’un regard extérieur.

« Les fleurs du printemps sont les rêves de l’hiver racontés, le matin, à la table des anges ».

Khalil Gibran

Michèle Théron

Michèle Théron