Agendas lunaires, livres, revues

une invitation à exprimer ta sensibilité, ta couleur, ton essence

Je suis née dans une famille d’artistes et j’ai été encouragée et inspirée à peindre dès le jour où j’ai pu tenir un pinceau entre mes doigts. Au début, je peignais des scènes du monde naturel puis je me suis rapidement mise à transcrire notre monde intérieur avec une intense curiosité pour la magie et le mystique. J’ai grandi me promenant par monts et par vaux dans la belle campagne d’Angleterre, souvent toute seule ou avec mon poney, à la recherche de signes de magie. Je rêvais de trouver un alchimiste qui m’enseignerait les mystères profonds de la vie. Je n’ai pas trouvé d’alchimiste mais à dix-sept ans j’ai rencontré un Lama tibétain et je suis partie recevoir ses enseignements dans son ashram. Comme j’apprenais l’iconographie tibétaine, j’ai commencé à incorporer leur symbolisme dans mes toiles. Cette période fut aussi le début de ma pratique de la méditation Vajrayana qui m’a suivie tout le reste de ma vie.

À la fin des années soixante-dix, j’ai émigré à Tobago car je suis tombée amoureuse d’un homme de cette petite île. Mon art a alors adopté le dynamisme des tropiques, sa luminosité, ses couleurs et les saveurs de la culture créole, africaine et amérindienne. Je me suis laissée envoûter par la richesse sauvage et la beauté vierge de la jungle, des montagnes, des chutes d’eau, des bains naturels, des plages désertes et dorées et de la mer claire comme du cristal. Enceinte de mon fils, j’allais souvent m’allonger sur une plage secrète avec mes jambes grandes ouvertes à la lueur de la lune tout en flottant sur la mer chaude, la lune radiante sur mon ventre rond et l’enfant à l’intérieur.

J’ai accouché au sein des montagnes avec l’aide d’une vieille chamane de l’île.

J’ai passé mes seize dernières années en réclusion sur l’île où j’ai passé mon temps à peindre, à étudier et à méditer. Je vivais une vie extrêmement simple, libre et paisible dans une petite cabane dans la jungle, sans électricité et sans eau. Il m’est impossible de transmettre à quel point ma vie était radicalement sauvage. Je dansais toute nue sous la pleine lune et sous les pluies tropicales, je peignais mon corps et allais me promener la nuit dans la forêt vierge, je jouais de mes flûtes et de mes tambours pour les esprits de la nature, je faisais des rituels chamaniques auprès des chutes d’eau et des arbres centenaires, j’étais entièrement libérée – sans limite entre le soi et la nature.

Des boas constrictors, chauves-souris, opossums et autres créatures sauvages partageaient l’espace de ma cabane.

Les colibris, aigles, perroquets et autres oiseaux me connaissaient intimement.

La nature était devenue mon consort sacré.

J’étais libérée de toute idée préconçue par rapport à comment un humain doit se comporter et vivre dans ce monde. La transition de la ménopause dans cet environnement fut une expérience de transformation incroyablement intense, puissante et magique. Quand la pré-ménopause a démarré, cela faisait des années que je vivais en solitaire et en méditation ce qui m’avait connectée avec les énergies subtiles. Il n’y avait aucune raison ou envie de mettre des rênes sur cette transformation immense qui a envahi mon paysage émotionnel.

Je n’avais pas peur de perdre la femme que j’étais. J’étais comme un serpent qui muait ou un insecte qui sortait de sa chrysalide. Alors que la fertilité de mes ovaires diminuait, la fertilité de la femme en moi s’enflammait. Bien entendu ce ne fut pas facile mais il y avait en moi une curiosité brûlante pour le processus.

La nature autour de moi participait pleinement à l’alchimie. C’était comme si les phéromones, les microbes, les spores de la forêt dansaient et se combinaient aux mélanges de mes hormones déferlantes, changeantes, approfondissant mes perceptions.

Durant tout ce temps un feu liquide et lumineux se propageait dans mes veines. Autant dire que mes peintures et ma poésie de cette période sont très chargées ! Il me semble que le cadeau de s’engager pleinement dans la ménopause est d’accomplir une union sacrée du masculin et du féminin. Je devenais « ce que j’avais toujours désiré être ».

J’ai toujours pensé que je vivrais ainsi pour le reste de ma vie alors c’est avec surprise que j’ai commencé à ressentir que cette période de ma vie touchait à sa fin. La réclusion en pleine nature sauvage fut comme un utérus qui me cocoonait. Je ressentais les contractions qui me disaient : « Le temps est venu de retourner dans le monde ! ».

J’étais consciente que l’humanité et la planète approchaient simultanément une transformation, un éveil. C’était devenu évident que j’étais appelée à entrer la danse pour y injecter cette béatitude, liberté et ouverture qui étaient maintenant mon état naturel.

Cela fait donc quatre ans que j’habite le sud de l’Angleterre à Hastings, une ville bohémienne où l’art et la musique sont intrinsèques à la vie quotidienne et culturelle du lieu. La solitude sauvage de la jungle me manque mais nous vivons une « époque intéressante ». J’ai confiance que je suis là au sein de cette période d’évolution émergente pour transmettre cette fréquence vitale au sein du chaos. Alors embrassons le changement avec la grâce et l’énergie du sauvage !

Les peintures de Jennifer sont dans des collections dans le monde entier. Elle a beaucoup exposé à Trinidad-et-Tobago ainsi que récemment en Angleterre, à San Francisco et en Hongrie. Elle est impliquée dans le mouvement de l’art intégral.

Jennifer Baird

Jennifer Baird