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Des poussières d’étoiles dans une tasse

Février 2022

Marie Gullí Demarre

Je crois que tout a commencé au Japon, lorsque j’ai assisté à une cérémonie du thé

 Je n’y connaissais rien, je ne comprenais pas la langue et pourtant j’ai été saisie. La délicatesse du geste, l’intention, le thé, l’objet simple et modeste, le parfum, la concentration, le goût, la beauté. J’ai intimement ressenti que la vie devait être à l’image de ce moment. Chaque instant comme réunissant tous les instants du monde.

Sen no Rikyu, maître de thé japonais, propose l’ichigo ichi-e, « une fois, une rencontre ». Quand je choisis les plantes qui vont composer ma tisane matinale, c’est de cet adage que je m’inspire. Je laisse la main agir, boutons de rose, thym, ortie. Ce ne sont pas leurs vertus qui m’intéressent alors. Mes pots en verre sont devant moi alignés et donnent à voir leur terroir, leur couleur, leur année, leur personnalité. Les plantes qu’ils renferment sont des morceaux de nature et d’événements de l’univers que j’ai la chance d’embrasser intimement, maintenant. Et ce matin, je rencontre feuilles de framboisier, écorces de bergamote et romarin. J’effleure, froisse et casse. Je sens. Tout est là.

Pissenlit. Les racines, réduites finement, qui plongeaient dans l’humus en quête des molécules du cœur de la planète.
Figuier. Les feuilles, fins laboratoires où le dioxyde de carbone de l’air se combinait à l’eau sous l’effet des particules de lumière émises par le soleil pour en faire du sucre et de l’oxygène.
Sureau. Les fleurs qui offraient au regard la beauté de leur remarquable architecture, mais surtout, aux abeilles, leur nectar.
Groseille séchée. Les fruits, réceptacles des graines, comme autant de promesses de vies à venir. Tout est là, dans ma tasse, et c’est un vrai vertige.

Artiste Alice Mason

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