Charlotte Marécaux
Mon histoire avec les plantes prend ses racines auprès de ma mère. Quand j’étais petite, je fabriquais déjà des potions à partir de plantes récoltées en cachette dans ses plates-bandes. J’arrachais même des bulbes que je détaillais finement avant de les mélanger à l’eau du ruisseau. J’ai suivi ma mère de jardins en pépinières, de bourses aux plantes en festivals des jardins et c’est ainsi que les années ont passé.
Une fois adulte, à chaque visite chez mes parents et jusqu’à ce qu’elle quitte ce monde, je rejoignais ma mère dans son jardin pour qu’elle me présente les nouvelles venues dans ses plates-bandes et me raconte leur histoire. C’est comme ça que j’ai grandi avec les plantes.
Chaque fois que je prononce le nom d’une plante, aujourd’hui encore, j’ai l’impression de prononcer des formules magiques qui me disent tout sur elles et qui me relient à ma mère. Leurs noms m’évoquent instantanément leur image, la famille dont elles sont issues, je visualise leurs futurs fruits ou fleurs, leurs feuilles, leur bois, et quelles seront leurs caractéristiques. Quand je les nomme, je les reconnais et les
sonorités de ces termes parfois si étranges m’ouvrent à une autre réalité. Achillea millefolium, Artemisia vulgaris, Leonurus cardiaca, Bellis perennis… C’est de la poésie, le chemin vers un autre règne.
Naturellement, la petite fille qui préparait des potions est devenue paysagiste. Ce qui m’a tout de suite fascinée et ce qui les a rendues si belles et si puissantes à mes yeux a été de découvrir leur langage : comment elles vivent, développent des communautés, interagissent avec nous, entre elles, comment elles satisfont leurs besoins. Alors plutôt que de dessiner de simples jardins, j’ai cherché à recréer des écosystèmes, des communautés de plantes. C’est là qu’elles m’ont appris comment les associer pour qu’elles puissent s’accompagner, se soutenir entre elles et prendre soin les unes des autres. Elles m’ont enseigné la sororité et la souveraineté. Alors, je suis passée du jardin paysagé au jardin agro-écologique, je suis devenue maraîchère et puis, comme les plantes, j’ai choisi de devenir moi aussi une accompagnante.
Certaines plantes sont à mes côtés depuis que je suis petite. C’est le cas du sureau noir qui éveille chez moi des souvenirs parfumés de gelée aux baies de sureau. D’autres sont arrivées plus tard comme l’Achillea millefolium qui est était l’une de mes plantes signature en tant que paysagiste. On savait tout de suite que c’était moi qui avais fait tel ou tel jardin par la présence systématique de cette plante. Et de quelques autres, j’avoue…!!
Artiste Alice Mason
Découvrez l’intégralité du dossier Sorcières Vertes, Douce puissance féminine dans la revue 54.
© 2018-2021 REVE DE FEMMES – Tous droits réservés